Dans cet article, nous allons découvrir comment, lors de la réforme protestante et de la contre-réforme par l’Église catholique, la musique fut le reflet de cette confrontation. La réforme a commencé avec l’avènement des premières thèses de Martin Luther en 1517. À partir de ce moment, le moine augustin défie le Pape et l’Église catholique jusqu’à se faire excommunier en 1521. Ainsi s’enclenche un mouvement séparatiste irréversible qui va gagner une bonne partie de l’Europe au travers de plusieurs courants.
Convaincu que les Saintes Écritures sont la seule vraie référence pour tout chrétien, Luther décide d’en assurer la traduction en langue vernaculaire (langue comprise par le peuple). Cette caractéristique de la réforme protestante crée une situation défavorable pour l’Église catholique qui reste accrochée au maintien du latin, langue considérée comme sacrée. Seul celui-ci est admis dans la liturgie, vecteur de la parole divine pour l’Église romaine.
Réforme et contre-réforme : la musique au cœur d’une confrontation entre religions
La musique va prendre une place particulière dans la confrontation entre les religions qui va se développer durant les deux siècles suivants. Au départ, les protestants privilégient un style monodique dans les offices (une seule voix entonnée par la foule avec ou sans accompagnement). Ce qui est visé, c’est d’avoir un style simple, facile à comprendre par les fidèles et reprendre par eux. Rapidement, ce style va aussi évoluer vers un style polyphonique à plusieurs voix. Mais la polyphonie y demeure dépouillée et au service de la mélodie. Ainsi né le style choral qui peut être chanté par l’assemblée à plusieurs voix.
Cependant, l’Église catholique ne reste pas les bras croisés face à ces évolutions. Lors du Concile de Trente (1545-1563), elle va privilégier une démarche qui utilise une perception plus sensible des textes sacrés.
Sans comprendre le texte biblique, comment le faire ressentir ? Tel est l’objectif à réaliser.
L’oratorio comme pédagogie de la Contre-réforme
Il s’agit donc d’être plus pédagogique, plus théâtral. C’est ainsi que naissent les oratorios. Il s’agit d’œuvres lyriques utilisant le récitatif, les arias et les chœurs, selon l’histoire à illustrer. Ces concerts chantés sans mise en scène se déroulent dans des oratoires (lieux de dimension limitée, voués à la prière). De là vient ce nom d’oratorio pour ces partitions au croisement de l’opéra, du madrigal et du motet.
Pour illustrer cette confrontation par l’utilisation de la musique entre réforme et contre-réforme, nous allons utiliser deux exemples situés au XVIIᵉ siècle. Le premier est « Jesu meine freude« , choral protestant et le deuxième « Peccavimus Domine« , chœur extrait d’un oratorio représentatif de la contre-réforme catholique. En suivant les liens de ces deux œuvres, vous aboutirez sur les pages comprenant les partitions et les voix à répéter de ces deux œuvres présentées sur notre site internet.
Le style simple du choral protestant.
« Jesu meine freude » de Johann Crüger (1598-1662), est dans le plus pur style choral. Il s’agit d’une mélodie harmonisée avec des accords agencés de manière relativement verticale. Même si quelques ornementations y apparaissent, ce motet reste dans un style polyphonique relativement simple. Ainsi, ce motet peut être chanté facilement par la foule. Il est aussi loisible d’agrémenter ce chant par l’adjonction des autres voix qui viennent enjoliver l’interprétation par une harmonie qui soutient la mélodie.
Cette composition de Crüger a été reprise par Johan-Sebastian Bach en ouverture de son célèbre motet du même nom (BWV 227), biais par lequel ce choral est le plus souvent connu. En voici une interprétation dans un enregistrement réalisé par le Kantorei Barmen-Gemarke :
On peut entendre que ce choral traduit une joie simple et paisible. Mais ce « Jésus ma joie, … Jésus mon trésor » ne plonge pas franchement dans l’exaltation et l’exubérance. Il reste, émotionnellement parlant, relativement froid. Il se focalise sur une foi ancrée dans les Saintes Écritures et empreinte de retenue. Elle ne laisse pratiquement poindre aucune débauche d’effets.
Le style plus passionné du chœur final d’un oratorio.
Au contraire, il signore Giacomo Carissimi (1605 – 1674) nous donne, de son côté, un oratorio où la seule musique permet de ressentir les péripéties de cette Histoire de Jonas. Cela s’illustre aussi parfaitement dans le chœur final. Jonas est rejeté au bord de l’eau par le poisson qui l’avait avalé, car il a, enfin, accepté de remplir sa mission. Il se rend à Ninive pour convaincre ses habitants de vivre désormais en dehors du péché.
Le chorus qui termine l’oratorio exprime l’acte de conversion des citoyens de cette ville qui vivaient dans la perversion. Passant de la contrition à la conversion en appelant la lumière divine à descendre sur eux pour être transformés et sauvés, les repentis y font entendre leurs implorations vers Dieu. La partition du maître italien traduit musicalement ces différents états d’âme. Par exemple, il use de l’alternance entre un simple chœur et un double-chœur.
Au travers de cette technique, se traduit la mutation au sein la foule tout entière. La ligne mélodique est diluée dans l’ensemble, passant d’une voix à l’autre, exprimant l’évolution qui traverse cette communauté. Ainsi, le chœur évolue, donnant corps à cette métamorphose. Plus loin, un passage fugué laisse voir les traits de la lumière divine jaillir sur le peuple implorant. Le tout se termine dans une harmonie exprimant une puissante émotion à même de traduire la foi et l’espoir d’être sauvé de ce peuple qui s’est repenti.
En voici une interprétation exécutée par l’ensemble « The Oxford Chorale » :
Étonnant donc de voir comment cet affrontement entre croyances religieuses a pu donner naissance à des œuvres aux sensibilités et aux beautés aussi diverses. Tout cela pour le bonheur de nos cœurs, de nos oreilles et … de nos voix.
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