Pour dresser un répertoire choral de la Renaissance française, il nous faut examiner les compositeurs et leurs œuvres de la seconde moitié du XVᵉ siècle jusqu'à la fin du siècle suivant. D'abord, il faut se rappeler que l'École française de la musique de la Renaissance fait suite aux débuts de l’École Franco-flamande. Ainsi, elle présente des caractéristiques distinctes, bien qu'elle en ait subi une forte influence. Par la suite, ces deux écoles se développent parallèlement. Néanmoins, elles trouveront des points de rencontres malgré des différences notoires.

Précédemment, dans notre Panorama de la musique belge pour chœur, nous avons consacré tout un volet aux compositeurs de l'École franco-flamande. Dans cet article, vous trouverez un certain nombre d'œuvres des compositeurs de cette École franco-flamande. Celles-ci vont de Pierre de la Rue à Roland de Lassus. Rappelons qu'à cette époque, l'actuelle Belgique et une bonne partie du nord de la France sont sous tutelle du Duché de Bourgogne. En conséquence, ces régions ne font pas partie du Royaume de France.
Comparaison entre l'École française et l'École franco-Flamande
En fait, durant les XVᵉ et XVIᵉ siècles, cette École Franco-flamande va dominer la musique européenne. Avec des compositeurs originaires des Pays-Bas, des Flandres et du nord de la France, sa musique se distingue par un style polyphonique sophistiqué. Concernant ce style, il se caractérise par une grande maîtrise du contrepoint, des imitations complexes et une grande fluidité mélodique. Dans ce cadre, rappelons que le contrepoint est une technique d'écriture musicale dans lequel plusieurs lignes mélodiques indépendantes s'entrelacent simultanément. Chaque voix conserve une certaine autonomie mélodique et rythmique. Per ces caractéristiques, l'École franco-flamande exerce une influence majeure sur la musique sacrée et profane dans toute l’Europe de cette époque.
En comparaison, la musique de l'École française de la Renaissance tend vers plus de clarté et de simplicité. De plus, le développement de la chanson française en est une autre spécificité. De manière générale, au lieu d’un contrepoint dense, on trouve des lignes mélodiques plus naturelles avec une mise en valeur du texte. Eb fait, l’écriture homophonique qui met en avant une seule mélodie principale, est privilégiée. Accompagnée par des accords qui suivent le même rythme, les différentes voix chantent généralement plus ou moins les mêmes paroles en même temps. Ainsi, les harmonies verticales sont plus fréquentes, particulièrement dans la musique profane.
Quelques caractéristiques du répertoire choral de la Renaissance française
Au contraire des Flandres bourguignones, la France se distingue par son goût pour la chanson polyphonique, souvent descriptive et narrative. Par exemple, Clément Janequin avec La guerre. Vers la fin de la Renaissance, les airs de cour annoncent déjà la transition vers le baroque. En effet, ils comportent une expression plus intime et un accompagnement instrumental plus marqué. De plus, en France, on retrouve une influence plus marquée des modes rythmiques issus des danses que dans les Flandres.
Par contre, pour ce qui est de la musique sacrée, elle conserve une réelle influence franco-flamande. Toutefois, elle évolue vers une plus grande accessibilité rythmique et une structure plus lisible. Notamment, des compositeurs comme Claude Goudimel participent à la mise en musique de psaumes dans une écriture plus simple et plus claire. Par exemple, dans les psaumes huguenots.
Donc, l’École franco-flamande se distingue par sa complexité polyphonique et son raffinement contrapunctique. À l'opposé, la musique de la Renaissance en France se caractérise par une approche plus simple, plus expressive et directement liée au texte. Pour cette dernière, elle se manifeste par la technique du vers mesuré à l’antique.
Liste de compositeurs et d'oeuvres pour un répertoire choral de la Renaissance française
1. L'influence franco-flamande
Au début de la musique de Renaissance française, une figure marquante va représenter le lien entre l'École Franco-flamande et l'École française. Il s'agit de Josquin des Prés (c. 1455 - 1521). Issu de l'actuelle région frontalière entre la France et la Belgique, il représente une des figures fondatrices de la musique polyphonique de son époque. Vous pouvez le découvrir au travers de :
- De son Kyrie à 4 voix de la Missa Ave Maris Stella,
- De sa chanson Mille regretz également à 4 voix.
Avec Jean Mouton (c. 1459 - 1522), ami de Josquin des Prés, l'influence franco-flamande reste toujours bien présente. Tout comme son ami, il excelle dans l'écriture contrapunctique et les harmonies raffinées. Voici deux exemples de ses compositions :
- Adieu mes amours, une chanson à 4 voix avec un accent assez émotionnel,
- En venant de Lyon, une autre chanson à 4 voix avec des paroles plus polissonnes.
Toujours dans la même veine d'influence franco-flamande, leur contemporain Antoine Brumel (c. 1460 - 1515) utilise également des inspirations venues d'Italie. En musique sacrée, il exercera une influence sur ceux qui le suivront, comme par exemple avec ces deux oeuvres :
- Agnus Dei à 4 voix, issu de sa Missa Pro Defunctis (Requiem),
- Regina caeli laetare à 4 voix, motet pour le temps pascal.
2. La chanson narrative et descriptive
Comme indiqué plus avant, la chanson narrative et descriptive se développe par le biais de l'École française de la Renaissance. Dans ce registre, le meilleur exemple est sans doute Clément Janequin (c. 1485 - 1558).
- Sa chanson à 4 voix La guerre, aussi appelée La bataille de Marignan, en est une illustration parfaite,
- Une autre chanson à 4 voix, intitulée Ce mois de mai, est aussi de type narrative ; par contre, elle est plutôt un exemple de musique homophonique avec une rythmique très dansante.
À la même époque, Claudin de Sermisy (c. 1490 - 1562) met en musique des poèmes de Clément Marot. Voici deux chansons relativement contrastées, typiques du style raffiné et expressif qui prévalait à Paris.
D'abord, la première chanson à 4 voix, Tant que vivray, qui est joyeuse et optimiste. Par contre, la seconde chanson aussi à 4 voix, Vous perdez temps de me dire mal d'elle, est plus mélancolique.
En ce qui concerne Claude Goudimel (c. 1505 - 1572), on se trouve en présence d'un compositeur plus atypique. En effet, son approche de la musique change en passant d'un style raffiné à une approche plus simple et dépouillée. Il faut savoir que sa conversion au protestantisme n'est pas étrangère à cette évolution.
- Par exemple, son motet à 4 voix Gloria in excelsis Deo illustre plutôt la première période ;
- Tandis que la chanson Bonjour mon cœur à 4 voix est d'un style plus dépouillé.
De la même époque, mais d'un compositeur anonyme, il nous reste une chanson célèbre, L'amour de moy. Tout comme les précédentes, elle est d'un style assez descriptif, comparant l'amour à un jardinet dans lequel croissent toutes sortes de fleurs. Toutefois, la version à 3 voix que vous propose VOX CHORI est une harmonisation actuelle dans le style de l'époque.
3. Les chansons rythmées et dansantes
Parmi les compositeurs qui représentent au mieux ce style de chansons rythmées et dansantes, il faut mettre en évidence Claude Gervaise (1510 - 1558). D'ailleurs, celui-ci publie beaucoup de musique instrumentale sur les différents types de danses célèbres à l'époque. Deux chansons de sa composition, sur un thème badin et guilleret, nous montrent des exemples de l'utilisation de ce style rythmé et dansant dans des oeuvres polyphoniques :
- En ce vert moys pour chœur à 4 voix,
- En m'ébattant par un joli matin, aussi à 4 voix.
Dans un style comparable, Pierre Certon (c. 1510 - 1572) propose pareillement des chansons simples et rythmées. En effet, il utilise des harmonies homophoniques plus verticales sur des thèmes badins et joyeux.
- La, la, la, je ne l'ose dire est une célèbre chanson à 3 voix qui badine sur l'infidélité ;
- Vignon, vignette est une chanson pour double-chœur à 4 voix qui célèbre la vigne.
Mais, dans ce registre, on ne peut pas oublier deux tubes du répertoire choral de la Renaissance française. Tout d'abord, celle que le chanoine Thoinot Arbeau (1520 - 1595) reprend avec des morceaux de danse dans son Orchésographie. Il s'agit de la très célèbre pavane, Belle qui tiens ma vie à 4 voix. Mais également, le Tourdion (Quand je bois du vin clairet), ce morceau instrumental de la renaissance que César Geoffrey, fondateur de A chœur joie, transforma en chanson à 4 voix.
4. Les tenants du vers mesuré à l'antique
Comme nous l'avons évoqué ci-dessus, certains poètes et musiciens vont créer l'Académie de la musique et de la poésie sous la houlette de Jean-Antoine de Baïf (1532 - 1589). Sur la technique des pas mesurés à l'antique, il s'agissait de mettre en harmonie les gestes et les pas des danseurs avec les chœurs qu'ils chantaient. Une manière de réunir poésie, musique et danse.
Parmi les tenants de cette école, Claude Le Jeune (c. 1525 - 1600) est un des premiers et des plus actifs. Très productif, il aura une influence majeure sur la musique de son époque et sur les musiciens qui suivront.
Deux psaumes de sa composition illustrent son style : Vous tous qui la terre habitez, psaume à 3 voix tout en contraste, et Mon Dieu j'ai en toi espérance, psaume à 3 voix également, représentatif de sa foi protestante.
Dans la même mouvance, le plus célèbre compositeur de cette époque est certainement Guillaume Costeley (1531 - 1606). Tant en musique sacrée qu'en musique profane, il apporte une contribution importante au développement de la musique polyphonique. Plus particulièrement, nous pouvons illustrer cet apport au travers de deux œuvres dans lesquelles il reprend des poèmes de Pierre de Ronsard :
- Mignonne allons voir si la rose, sans doute le poème le plus célèbre de la Renaissance française sur la fragilité de la jeunesse et de la beauté dans une version à 4 voix,
- Las je n'eusse jamais pensé, un autre poème de Ronsard sur la fragilité des sentiments, également dans une version à 4 voix.
5. Passage d'un répertoire choral centré sur la Renaissance française vers le baroque
Bien qu'étant actifs lors de la période qui voit les compositions musicales passer au style Baroque, deux compsiteurs français restent attachés au style de la Renaissance française.
Ainsi, Pierre Bonnet (c. 1538 - 1608) compose des airs et des villanelles. Parmi elles, le très connu Alors que mon coeur s'engage à 4 voix sur l'inconstance de l'amour.
De son côté, Jacques Mauduit (1557 - 1627), dans ses oeuvres sacrées, conserve le style polyphonique traditionnel de la Renaissance. Voici, par exemple :
- Son Requiem pour les funérailles de Pierre de Ronsard à 4 voix,
- Son psaume En son temple sacré, composition à 4 voix à la rythmique très dansante et très vivante.
Ainsi se termine ce tour d'horizon des musiques illustrant le répertoire choral de la renaissance française. En fait, celui-ci aurait pu intégrer nombre d'autres compositeurs et une quantité d'autres oeuvres. Néanmoins, nous espérons que le répertoire tout au long de cet article, ouvrira de nouvelles possibilités pour alimenter celui des chorales.
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