Comme son titre l’indique, le but de cet article est de présenter des œuvres spécifiques de musique sacrée du 20ᵉ siècle. De toute évidence, ce dernier a connu de profonds bouleversements sur le plan de la composition musicale. Pour certains musiciens, il amènera même à une rupture parfois assez radicale avec le passé. Mais, comme souvent, il faut se garder de conclusions trop hâtives. De plus, il est intéressant de vérifier ce qui concerne ces évolutions. Ainsi, ont-elles touché de manière identique toutes les musiques que nous voulons vous présenter ?
Transition entre romantisme et modernisme au début du 20ᵉ siècle
Durant le 19ᵉ siècle, le romantisme fait la part belle à une approche émotionnelle passionnée et exacerbée. Dès lors, le rêve, la mélancolie et la description poétique, y trouvent une place essentielle. Dès la fin de l’époque romantique, des compositeurs s’affranchissent des règles et des conventions de ce style musical. Ainsi, une période transitoire couvre le passage de la fin du 19ᵉ siècle au début du 20ᵉ siècle. Néanmoins, certaines caractéristiques du romantisme resteront bien présentes. Particulièrement dans une forme de post-romantisme. Avec, notamment, le fait d’utiliser des airs populaires puisés dans le folklore.
Pour ce qui concerne la musique sacrée, un évènement marquant va aussi apparaître en 1903 avec la publication de l’Inter pastoralis officii sollicitudines. En fait, il s’agit d’un « motu proprio » (lettre apostolique) du Pape Pie X. Très précisément, celle-ci concerne la musique liturgique de l’Église catholique romaine. À partir de cette date, toute la musique jouée dans les églises sera marquée par ces nouvelles directives jusqu’au Concile Vatican II (1965). Parmi les initiateurs de la réforme de 1903, on trouve Don Lorenzo Perosi, prêtre et compositeur.
Il faut savoir que l’Inter pastoralis officii sollicitudines insiste sur un retour à plus de simplicité. Cela en comparaison à une musique romantique devenue trop théâtrale. Il s’agissait de retrouver plus de dévotion. Pour cela, les nouveaux principes apportent une vision unifiée et universelle de la musique liturgique.
Ainsi, cette nouvelle approche de la musique sacrée insiste sur le retour au chant grégorien. De même, elle revient vers la polyphonie classique. Toutefois, la musique moderne est également autorisée pour autant qu’elle ne soit pas profane. Dans son souci d’universalité et d’unité, le pape réaffirme la place du latin comme langue propre de l’Église catholique romaine.
Compositions de musique sacrée représentatives de cette période transitoire entre le 19ᵉ et le 20ᵉ siècle
(Chaque titre est un lien vers une page de présentation avec la partition à télécharger et les vidéos des voix à répéter)
- Ave Maria par Edward Elgar (1857 – 1934) à 4 voix. Compositeur catholique anglais dont l’intensité et l’émotion de la composition traduit son attachement au romantisme.
- Be Still My Soul de Jean Sibelius (1865 – 1957) à 4 voix. Extrait d’une partie d’un de ses poèmes symphoniques, ce morceau postromantique s’inspire aussi du style des chorals protestants.
- O Little Town of Bethlehem de Ralph Vaughan Williams (1872 – 1958) à 4 voix. Féru de folklore, Vaughan Williams utilise un air populaire avec une harmonisation relativement classique.
- Ave Maria de Lorenzo Perosi (1872 – 1956) à 4 voix. Donc, Perosi porte une réelle admiration pour le grégorien et la réforme initiée par le pape Pie X. Toutefois, dans ce chant, il conserve un style musical post-romantique empreint de réalisme.
- Tantum ergo Sacramentum de Max Reger (1873 – 1916) à 5 voix. Lui aussi, Reger demeure dans une veine postromantique. Mais, sa composition plus complexe laisse apparaître les prémisses du modernisme.
- Bogoroditse Deyo (Vêpres) de Serge Rachmaninov (1873 – 1943) à 4 voix. Pour ce qui est de cette composition, elle plonge directement dans les racines orthodoxes de Rachmaninov. D’une part, elle s’inspire de ses psalmodies a capella. D’autre part, elle est influencée par les polyphonies populaires avec des voix qui évoluent par exemple à la tierce ou à la quinte.
Révolution moderniste et musique sacrée pour chorales
Durant la première partie du 20ᵉ siècle, une partie importante des compositeurs veulent se distancier des règles de l’écriture tonale. De manière générale, on considère que Claude Debussy (1862 – 1918) en est un des initiateurs. D’un point de vue harmonique, la superposition de plusieurs tonalités ou l’atonalité (bannissement de toute hiérarchie tonale) sont utilisés. Ainsi, ces modernistes expérimenteront différentes techniques et des styles parfois opposés (dissonance, dodécaphonisme, musique séquentielle…)
En ce qui concerne la musique sacrée de cette première moitié du 20ᵉ siècle, il est remarquable de constater l’intérêt des compositeurs pour la musique grégorienne. Certes, nous avons vu comment elle est remise en selle par l’Église. Mais, au-delà de cette impulsion, le retour vers les sources musicales du Moyen Âge permettent de revenir à la diversité des tonalités utilisées lors de cette lointaine époque.
Tant sur la modulation des mélodies que sur les changements tonaux ou certaines formes de variations rythmiques (scandement, syncope…), les origines de la musique inspirent particulièrement les modernistes. Avec la place spécifique qu’il occupe, le chant grégorien représente alors une nouvelle attirance dans le champ de la musique sacrée.
Œuvres représentatives de la musique sacrée chez les modernistes
- A Hymn to the Virgin de Benjamin Britten (1913 – 1976) pour double-chœur à 4 voix. Avec cette composition de jeunesse, Britten revient aux psalmodies grégoriennes. Toutefois, son harmonisation ne dédaigne pas de verser dans quelques dissonances.
- Ubi caritas et amor de Maurice Duruflé (1902 – 1986) à 4 voix. Tout comme d’autres compositeurs de ce début de 20ᵉ siècle, Duruflé s’inspire du plain-chant grégorien. Cependant, il y applique une harmonisation plus romantique. À remarquer que celle-ci utilise de temps en temps des écarts de voix à la seconde. Ceux-ci créent temporairement des dissonances plus modernistes.
- Ave Maria d’Igor Stravinski (1882 – 1971) à 4 voix. Voici un bel exemple d’une musique qui bouleverse les références précédentes de la musique tonale. Dans une gamme diatonique, Stravinski développe une harmonie relativement répétitive.
- Victimae pascali laudes et Alleluia pascal de Joseph Samson (1888 – 1957) à 4 voix. Avec ces deux chants, Samson nous fait revenir au cœur du Moyen âge. Très nettement, on y retrouve son intérêt particulier pour les débuts de la polyphonie (XIIᵉ et XIIIᵉ siècles).
- Hodie Christus natus est de Francis Poulenc (1899 – 1963) à 4 voix. Voici un chant de Noël qui dégage une certaine joyeuseté. De nouveau, la composition est basée sur une mélodie de type grégorien. Cependant, une particularité concerne les changements de ton et les dissonances avec lesquels Poulenc joue allègrement.
- Adventi Enek de Zoltan Kodaly (1882 – 1967) à 3 voix. Encore un chant de Noël puisé au Moyen âge, dans les débuts de la polyphonie. À partir de la mélodie grégorienne, Kodaly développe des variations polyphoniques s’inspirant à la fois des sources médiévales et des influences plus modernes.
Musique sacrée pour chorales dans la seconde moitié du 20ᵉ siècle (musique contemporaine)
Dans la seconde moitié du 20ᵉ siècle, tout comme dans la première moitié, il est impossible de définir un style musical univoque. De toute évidence, l’inspiration des compositeurs balance entre de nouvelles expérimentations et un retour à des formes passées accommodées d’adaptations plus contemporaines. Étant donné la diversité des approches, il est impossible de résumer le foisonnement qui découle des différents courants musicaux qui sont mis en œuvre.
Toutefois, dans le domaine de la musique sacrée d’une part et de la musique pour chœurs d’autre part, on retrouve moins de créations. En comparaison avec les cinquante années précédentes, la différence est notoire. Dans les domaines qui nous occupent, nous illustrerons cette diversité avec trois compositions représentatives.
- Agnus Dei de Samuel Barber (1910 – 1981) de 4 à 8 voix. Sur son Adagio pour Cordes op 11, Barber réalise une adaptation pour chœur sur un Agnus Dei. Assez nettement, cette composition est de nature néo-romantique avec des harmonies aboutissant quelques fois à des dissonances soutenues.
- Da pacem Domine d’Arvo Pärt à 4 voix. Né en 1935, le compositeur estonien est sans doute un des plus reconnus parmi les compositeurs vivants. De plus, sa production de musique sacrée pour chœur est relativement importante. Comme certains modernistes de la première moitié du siècle, Pärt est marqué par les principes de la musique médiévale.
- Ubi caritas d’Ola Gjeilo à 4 voix. Né en 1978, ce jeune compositeur norvégien est, à l’heure actuelle, un des plus productifs en termes de musique pour chœur. Comme Arvo Pärt, il est également très inspiré par le grégorien.
Certes, ce panorama de la musique sacrée pour chœur du 20ᵉ siècle est loin d’être exhaustif. Cependant, il permet de toucher à la plupart des caractéristiques des musiques qui ont émaillé ce siècle tout proche de nous.
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