Tout d’abord, avant d’explorer la musique belge pour chœur, il est nécessaire de se rappeler quelques aspects historiques et géographiques. En effet, la Belgique reste en soi une jeune nation à l’échelle de l’histoire. Il faut se rappeler que sa création réelle date seulement de la révolution qui l’a vue naître en 1830.
Auparavant, le territoire actuel de la Belgique fut connu comme ayant été le principal lieu des batailles entre les grandes nations européennes qui l’entourent. De cette manière, de l’époque romaine au XIXᵉ siècle, elle ne connut qu’une succession de dominations étrangères. Mais, il faut savoir aussi que le territoire actuel de la Belgique fut sans doute, au cours de l’histoire, un des carrefours économiques et culturels parmi les plus importants et les plus foisonnants du vieux continent.
La Belgique, lieu de création et d’invention artistiques
Dès lors, la Belgique, petite nation, développera une activité économique qui restera une des premières d’Europe jusqu’à la Première Guerre mondiale. De cette manière, elle reposa sur des gouvernants, une noblesse, une église catholique, une bourgeoisie et des industriels particulièrement riches et prospères. Ainsi, ceux-ci ne manquèrent pas d’utiliser leur fortune pour promouvoir le développement des arts, notamment celui de la musique.
De cette manière, les régions belges furent des foyers propices à l’émergence de grands artistes. Aussi, le domaine de la musique et particulièrement de la musique polyphonique, verra émerger, dès ses premières heures, des compositeurs qui feront avancer leur art. Depuis le Moyen Âge, ceux-ci marqueront la musique de nouvelles idées. Comme, ils seront des voyageurs curieux, ils ne manqueront pas d’échanger, de transporter leur savoir, mais aussi d’aller à la rencontre de nouvelles sources d’inspiration.
La période médiévale
Dans toute l’Europe, les débuts de la musique pour chœur émergent avec l’apparition de la polyphonie. Contrairement à la monodie, cette musique comportera plusieurs parties musicales chantées et / ou jouées simultanément. À la suite de l’École de Notre-Dame de Paris, la Picardie et les Flandres seront les lieux de développement de cet art durant la fin du Moyen Âge, raison pour laquelle ce courant se nommer d’École Franco-Flamande.
D’un point de vue politique, à cette époque, deux états en construction s’affrontent autour de l’actuelle frontière entre la France et la Belgique. Il s’agit du Royaume de France et des Principautés Bourguignonnes. Dans cette confrontation, la Picardie, actuellement en grande partie sur sol français, mais également sur sol belge, sera une région charnière. Dès lors, la Picardie et les Flandres seront des régions en concurrence avec Paris. Donc, à cette époque, les picards sont autant français que belges et le resteront. Dans cette guerre d’influence, les Ducs de Bourgogne seront des mécènes actifs désirant faire briller leur pouvoir au travers des arts, y compris la musique.
Premiers compositeurs de musique belge pour chœur au Moyen Âge
- Guillaume Dufay (1397 – 1474) est sans doute un musicien clé du développement de la musique polyphonique entre Moyen Âge tardif et Pré-Renaissance. À l’exemple de sa chanson Ce moys de may.
- Gilles Binchois (1400 ? – 1460) est de la même veine comme dans son A solis cardine.
- Johannes Ockegem (1420 ? – 1497) est une troisième grande figure importante durant cette époque à l’instar de son Ave Maria.
La musique belge pour chœur lors de la Renaissance
En ce qui concerne la Renaissance, les territoires belges actuels vont connaître une évolution politique importante. En effet, Marie de Bourgogne, la dernière représentante de la Maison de Bourgogne, va épouser Maximilien de Habsbourg. De cette manière, les régions belges passent sous la domination de l’Empire Romain Germanique.
D’un point de vue musical, les disciples de l’École Franco-Flamande vont continuer sur la lancée des compositeurs du Moyen Âge tardif. Ainsi, ils font évoluer leur art avec une polyphonie de plus en plus verticale et simplifiée qui deviendra la base de la polyphonie occidentale. Aidés par l’apparition de l’imprimerie et particulièrement de l’imprimerie musicale, les œuvres se diffusent plus rapidement et plus loin.
Par conséquence, les musiciens des Flandres sont bientôt connus dans toutes les cours d’Europe où ils sont demandés et courtisés. Ainsi, ils jouiront d’une reconnaissance, d’une aura qui en feront sans doute les premiers « européanistes« . Pour ces différentes raisons, on va les retrouver aussi bien en Italie, qu’en France, en Allemagne et même en Espagne. Sans conteste, cette période représente l’âge d’or de la musique belge pour chœur.
Compositeurs belges de la Renaissance
- Pierre de la Rue (1460 ? – 1518) est sans doute un des compositeurs qui fait le lien entre Moyen Âge tardif et Renaissance, à l’exemple de O salutaris Hostia et Autant en emporte le vent.
- Crispinus van Stappen (1465 ? – 1532) fut essentiellement au service de la papauté à Rome. Voir son motet, Non lotis manibus.
- Adrien Willaert (1490 – 1562) lui passera par Paris avant de jouir d’une grande notoriété en Italie. Imprégné de chansons françaises, il en composera comme ce J’aime bien mon ami.
- Jacques Arcadelt (1507 – 1568) est considéré comme un des premiers compositeurs de madrigaux. Sa production fut très prolifique, à l’exemple d’Amour à pouvoir sur les dieux et Mon plaint soit entendu.
- Tielman Susato (1510 – 1570) compositeur, mais aussi éditeur-imprimeur anversois : Cum decore et De jour en jour.
- Roland de Lassus (1532 – 1594) (avec différentes déclinaisons de son nom) est un compositeur et un voyageur infatigable qui a écumé toutes les régions d’Europe. Rares sont les répertoires des chorales qui ne comptent pas une de ses compositions. Ainsi, on lui devrait plus de 2000 œuvres dont Mon cœur se recommande à vous, Bonjour mon cœur, O vin en vigne, Matona mia cara et Musica est dei domine.
- Philippe Rogier (1561 – 1596) deviendra maître de chapelle à la cour d’Espagne au moment où la musique va basculer progressivement vers le baroque. Voir son Dominus regit me.
Musique belge à l’époque baroque
Cependant à la charnière entre les XVIᵉ et XVIIᵉ siècles, un nouveau tournant va apparaître dans la musique. Au contraire de la Renaissance, la composition musicale va se complexifier, notamment avec des harmonies et des contrepoints plus riches. De plus, d’autres innovations vont voir le jour. Tout particulièrement, l’utilisation de la basse continue et les apparitions de l’oratorio et de l’opéra.
Très clairement, l’Italie sera le lieu de naissance de ces innovations. Mais dans la guerre que se livrent le protestantisme naissant et le catholicisme, l’Allemagne va devenir un autre centre d’influence particulier avec ses propres caractéristiques, spécialement le développement du choral protestant. Facile à apprendre, à retenir et à chanter en foule, il donnera un élan particulier au chant en chœur. Avec Louis XIV soutenant les arts, la France y trouvera également une place particulière.
Donc, les centres d’influence au niveau de la musique se sont déplacés et les régions belges, appelées à cette époque les Pays-Bas du Sud, perdent de leur importance. Raison pour laquelle, sans doute, ne va-t-on plus y retrouver de compositeurs d’importance. Néanmoins, quelques musiciens suivront la mode de l’époque avec des œuvres typiquement baroques.
Musiciens belges de l’époque baroque
- Henry Du Mont (1610 – 1684), musicien liégeois, sera très en vue à la cour de Louis XIV. À l’exemple de son Domine salvum fac Regem.
- Lambert Pietkin (1613 – 1696), autre musicien liégeois, qui restera affecté à la cathédrale de sa cité natale. Pour laquelle, il composera par exemple un O salutaris Hostia.
- Johannes Van der Wielen (1644 ? – 1679) passera toute sa vie au service de l’église St-Jacques de Gand comme musicien et comme prêtre. Il nous en demeure un recueil de motets de Noël dont un Cum Rex magnus.
Musique belge à l’époque classique
Généralement, le dévellopement du classicisme en musique est situé de la fin du XVIIIᵉ siècle jusqu’au tout début du XIXᵉ siècle. Mais, ces limites sont floues. Néanmoins, à l’instar de Mozart, Haydn et Beethoven dans le monde germanique, ce courant musical va aussi toucher la musique française.
Dès avant la révolution qui chassera la royauté absolue en France, les musiciens issus des régions belges étaient attirés par Paris. Encore sous domination autrichienne, les anciens Pays-Bas du Sud se retrouvaient culturellement plus en phase avec la France plutôt qu’avec les tenants de l’École de Mannheim et les viennois. Peu après la révolution, les troupes françaises envahissent l’actuel territoire belge. Cette forme d’incorporation à la France, ne fit que se renforcer sous l’empire de Napoléon. Dès lors, les musiciens que nous pourrions dire belges, sont encore souvent considérés aujourd’hui comme étant français.
Durant cette période, les canons musicaux évoluent fortement, opérant une césure assez nette avec le baroque. Empreinte de liberté, cette musique nouvelle met en évidence la mélodie et délaisse le contrepoint. De plus, l’harmonie se fait beaucoup plus simple, rompant avec la complexité du baroque. À la manière du langage, la musique se déroule en une série de phrases musicales propres à explorer les sentiments humains.
Compositeurs belges de l’époque classique
Les provinces belges donneront ainsi à la France deux compositeurs de renom, reconnus comme étant parmi les meilleurs représentants du classicisme. Il s’agit de François-Joseph Gossec et André-Ernest-Modeste Grétry.
- François-Joseph Gossec (1434 – 1829) assurera la direction de différentes institutions musicales sous la royauté. Mais, il embrassera la cause révolutionnaire pour être finalement honoré par Napoléon. Lors de la translation des cendres de Voltaire au Panthéon, c’est à lui qu’il est demandé de composer la musique afin de célébrer solennellement ce moment. Le choeur « Invocation » est extrait de cet hymne.
- André-Ernest-Modeste Grétry (1741 – 1813) deviendra le spécialiste de l’opéra-comique français. Parmi ceux-ci, Richard Coeur-de-Lion dont est extrait le choeur final, Ah quel bonheur.
Musiciens belges de l’époque romantique
Mais le classicisme sera remplacé très rapidement par le courant romantique. Issu d’Angleterre et d’Allemagne, ce mouvement esthétique bouleversera de nouveau les codes en laissant place importante à l’expression de l’émotion. Dans une forme d’exaltation qui met de côté la raison, cette nouvelle esthétique ouvre un attrait pour la nature, pour la nostalgie, pour le passé et pour un certain sentiment national.
Pour décrire ces sentiments, la musique se fait plus expressive. Elle utilise à profusion la palette des nuances pour mettre de la couleur et pour se faire plus évocatrice de ce qui est ressenti. De cette manière, elle accentue les effets dramatiques, notamment dans le cadre des opéras. Même la musique sacrée n’échappe pas à ce courant en utilisant les mêmes mécanismes pour exalter le divin.
Musique belge de l’époque romantique
- François Van Campenhout (1779 – 1848) sera le compositeur de La Brabançonne (hymne national belge), en 1930, au moment de la révolution belge, stimulant le patriotisme naissant.
- François-Joseph Fétis (1784 – 1871), impliqué d’abord en france comme Gossec et Grétry qui l’y ont précédé. Il est rappelé en Belgique pour diriger le nouveau conservatoire de Bruxelles. Pour le service funèbre de la première reine des belges, il compose une Messe de Requiem dont est extrait ce Rex tremendae majestatis.
- Dieudonné Duguet (1794 – 1849), compositeur liégeois peu connu qui donna ce O salutaris Hostia, pourtant devenu célèbre en Amérique du Nord.
- Louis Lambillotte (1797 – 1855) : tout aussi peu connu, ce compositeur s’intéressa toutefois au chant grégorien. On lui doit ce Panis angelicus.
- César Franck (1822 – 1890), quant à lui, fera aussi carrière en France après ses études musicales. A Paris, il deviendra un des compositeurs majeurs du romantisme français. En 1870, il acquiert la nationalité de sa patrie d’adoption. Son tube est lui aussi un Panis angelicus.
- Jacques Nicolas Lemmens (1823 – 1881), organiste renommé, il dirigera l’Institut Catholique pour la Musique à Louvain. Connu aussi, compositeur de musique sacrée tel ce Tantum ergo.
- François Gevaert (1828 – 1881), avant tout connu comme historien de la musique. Il a notamment harmonisé différentes chansons traditionnelles dont le célèbre Réveillez-vous Picards !
- Joseph Callaerts (1830 ? – 1901), grand organiste, titulaire des orgues de la Cathédrale d’Anvers. Il compose de la musique sacrée dont un Messe en Fa Majeur. Ce Gloria en est extrait.
- Peter Benoit (1834 – 1901), une des figures majeures de la musique classique en Flandre. Ardent promoteur d’une identité musicale flamande, il compose dans tous les genres, y compris la musique sacrée, comme ce Magnificat.
Et un peu en dehors du temps, un autre musicien :
- Pierre Degeytere (1848 – 1932), voilà un illustre inconnu, né à Gand, directeur d’une petite société musicale ouvrière dans le nord de la France. Il devient célèbre avec un seul morceau et pas des moindres puisqu’il s’agit de l’hymne des luttes ouvrières, L’Internationale.
Compositeurs belges de style impressionniste
Dans le seconde moitié du XIXᵉ siècle, toutes les disciplines artistiques vont être confrontées à des formes de contestations des canons académiques. Des mouvements tels que l’impressionnisme et le symbolisme vont apporter de nouvelles manières de s’exprimer d’un point de vue artistique.
Ces approches vont également toucher le monde musical en rompant avec une vision linéaire. Comme les différentes impressions que l’on ressent en admirant une scène ou un paysage, la musique va aussi proposer une successions d’impressions. Ces nouveaux styles musicaux ne dédaignent pas pour cela d’utiliser une variation dans les tonalités et dans les modes.
Musiciens belges de style impressioniste
- August De Boeck (1865 – 1937) joue sur les formes d’harmonisation et la manière d’associer voix et orgue, comme dans cet Ave Maria.
- Guillaume Lekeu (1870 – 1894) jeune compositeur, trop tôt disparu, il compose un poème lyrique « Andromède » à la manière des peintres impressionnistes comme dans le Choeur des Néréides.
Musique belge de l’époque moderne
Dès le début du XXᵉ siècle, les compositeurs veulent se départir des formes harmoniques et stylistiques issues du romantisme et du baroque. Ainsi, ils n’hésitent pas à revenir à en revoir la modalité (musique modale). Ils iront jusqu’à utiliser la dissonance et la dodécaphonie. De même, il bouleverseront les conceptions au niveau rythmique (syncope, saccades, polyrythmie).
Avec la révolution technologique, ils utiliseront et inventeront de nouveaux instruments. Notamment en faisant appel à l’électronique. La frontière entre musique savante et musique populaire deviendra plus poreuse, créant des ponts et des passages entre celles-ci.
Compositeurs belges de l’époque moderne
- Joseph Jongen (1873 – 1953), compositeur majeur de cette époque en Belgique. En 1938, il compose La Meuse dont est extrait « Il faut chanter la Meuse« , le premier tableau.
- Jean Absil (1893 – 1974), explorateur des musiques dites nouvelles, polytonales, atonales et sérielles. Il met en musique des extraits du receuil de Guillaume Apollinaire « Le bestiaire » dont Le dromadaire.
- Henri Pousseur (1929 – 2009), très impliqué dans les musiques nouvelles, il explore les champs de la musique électronique et de la musique sérielle. Mais, il ne dédaigne pas de revenir vers les musiques populaires. Ici avec une harmonisation du célèbre chant de la Commune de Paris, Le temps des cerises.
- Johan de Wael (1968 – ), ce compositeur contemporain présente des compositions de facture relativement classique mais avec une utillisation abondante des mouvements chromatiques. Comme dans cet Ave verum.
Comme nous le précisions dans l’introduction, les territoires de l’actuelle Belgique restent influencés par le croisement des cultures qui s’y sont rencontrées. D’un point de vue musical, les compositeurs belges se sont montrés curieux en allant à la rencontre d’autres courants au travers de l’Europe. C’est cette diversité tout au long de l’histoire que nous avons voulu vous présenter avec cette musique belge pour chœur.
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